Cercle Littéraire des Écrivains Cheminots
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Union Artistique et Intellectuelle des Cheminots Français
les chroniques ferroviaires
de notre revue
N°313 (juin 2023)
Vers une énième relance du fret ferroviaire !
Dans une économie de plus en plus mondialisée, où les flux de marchandises sur de grandes et petites distances ne cessent de s’accroitre, où les stocks sont réduits au minimum, où il faut servir des références de plus en plus nombreuses dans des délais toujours plus courts, le secteur du transport routier et de la logistique s’impose face au transport ferroviaire. Les norias de camions français ou étrangers que nous croisons sur les routes et les autoroutes en sont la preuve. Le transport, tous modes confondus, représente près de 370 milliards de tonnes-kilomètres, la part du transport par rail n’est que de 9 %.
Cette situation en France est la conséquence des choix politiques pour les échanges économiques. En effet, c’est le contrat commercial entre le vendeur et l’acheteur qui fixe les règles du transport de la marchandise. Il acte la nature du chargement, les modalités de livraison…, le cout de l’acheminement et précise qui, du vendeur ou de l’acheteur, en acquittera le prix.
La vente peut se négocier suivant une formule « départ-usine » ou « marchandise prise dans nos locaux », c’est alors à l’acheteur d’organiser le transport. Elle peut se faire en « port dû » ou « franco », c’est alors le vendeur qui s’en charge. La chaine de transports est un élément annexe de la transaction, ce qui explique la crise profonde du secteur routier français qui compte plus que 37 000 entreprises employant 420 000 salariés.
L’effondrement du trafic en wagon isolé et la faible présence d’entreprises ferroviaires « étrangères » malgré l’ouverture à la concurrence du trafic fret en 2006 (elles réalisent essentiellement des trafics de transit) sont autant de preuves du désintérêt pour le transport ferroviaire.
Pourquoi ce faible intérêt pour les entreprises ferroviaires en France ?
Si la complexité normative est souvent mise en avant, les difficultés de circulations liées à l’état des infrastructures du réseau ferroviaire français tiennent la corde ! Ces infrastructures souffrent d’un retard de maintenance sur les grands axes, mais plus encore sur les lignes capillaires et les terminaux et triages. Un récent rapport estime à environ 1 milliard d’euros (Md€) le retard d’investissement accumulé depuis 10 ans.
L’effet retard ajoute une difficulté supplémentaire : sur les axes en rénovation, les travaux effectués ont lieu (souvent de nuit) durant les plages horaires de circulation des trains de marchandises. Ce qui affecte la qualité des acheminements au détriment des clients finaux qui se détournent du rail… pour la route.
De fait, les répercussions, en termes de pollutions induites par les transports routiers, sont extrêmement négatives pour le climat et la santé des citoyens, mais également pour la compétitivité française et l’attractivité des territoires. Faut-il rappeler que chaque année en France près de 50 000 personnes meurent prématurément à cause de la mauvaise qualité de l’air, ce qui représente par ailleurs un cout pour la collectivité estimé à 50 Mds €.
Comment agir sur les potentiels de croissance du fret ferroviaire ?
L’État français ne reste pas inactif et a prévu un rôle pour le fret ferroviaire dans la Loi d’orientation des mobilités de décembre 2019 et dans son rapport du Conseil d’orientation des infrastructures de 2022. Cependant, pour ce plan de relance du ferroviaire, le financement (les lignes budgétaires) qui s’élève à près de 100 Mds € n’est pas encore trouvé !
Avec la rénovation du réseau, un autre axe stratégique peut s’envisager. Il consisterait à mener des actions spécifiques dédiées au développement des différents segments de marché (trains entiers, wagon isolé, transports combinés, autoroutes ferroviaires) dans lesquels l’État jouerait là tout son rôle grâce aux investissements prévus.
La reconquête du trafic ferroviaire se gagnera par la confiance retrouvée des chargeurs. À cette occasion, saluons, à côté des projets d’autoroute ferroviaire et de développement du transport combiné, une initiative d’un nouveau genre. Après de nombreuses concertations, sept transporteurs et/ou prestataires, disposant de sites logistiques embranchés se sont regroupés pour former un réseau national de massification ferroviaire en partenariat avec Fret SNCF (cf. carte).
Ce réseau appelé Rail route connect (2RC) devrait voir le jour au premier semestre 2023, il vise à favoriser le report modal de la route vers le rail sur de longues distances, et à organiser de nouveaux flux en mutualisant les moyens de production sur le territoire. Concrètement, si Fret SNCF assure la partie longue distance via son propre mode de production, les acheminements encadrants seront assurés par chaque transporteur embranché.
Cette initiative marquera-t-elle le retour de la confiance des chargeurs pour le transport ferroviaire ? Sera-t-elle une première étape qui inversera les règles de nos échanges économiques ?
Joël Forthoffer
Pour aller plus loin :
https://www.ecologie.gouv.fr/conseil-dorientation-des-infrastructures-coi
N°312 (mars 2023)
Décarboner les trains régionaux !
Depuis les années 2000, plusieurs pays européens ont identifié des secteurs dans lesquels l’accès est interdit aux véhicules les plus polluants : les zones à faibles émissions (ZFE). Aujourd’hui la France compte cinq ZFE situés dans trois régions : Paris, Strasbourg, certaines communes de la Métropole du Grand Paris, de la Métropole du Grand Lyon et de Grenoble-Alpes Métropoles. Les véhicules 100 % électriques ou à faibles émissions de CO2 peuvent y accéder sans restriction. Le transport ferroviaire n’est pas un gros émetteur de gaz à effet de serre, mais aujourd’hui encore de nombreux trains diésel circulent dans les zones urbaines ou des métropoles.
Naturellement, se pose la question : qu’en est-il des trains régionaux TER diésel qui représentent encore un quart du parc ?
Dans un contexte marqué par l’accélération du réchauffement climatique et la flambée des prix de l’énergie, la transition énergétique est une priorité. L’enjeu principal de la décarbonisation consiste donc à remplacer le diésel par des énergies et des modes de propulsion moins polluants. Cela fait partie depuis plusieurs années des préoccupations du secteur ferroviaire. La SNCF, dont plus de la moitié des lignes exploitées ne sont pas électrifiées, ne peut se tenir à l’écart de la nécessité de s’inscrire dans la neutralité carbone. Elle accompagne les Régions, dont relève la compétence d’une grande partie de ces lignes ferroviaires non électrifiées, pour déployer la solution la plus adaptée à leur territoire et permettre la transition écologique. La priorité consiste donc à transformer le matériel existant livré dans les années 2000 qui possède une durée de vie d’une trentaine d’années avant de concevoir un matériel nouveau.
Quelles sont les pistes explorées ?
Le TER au colza : en avril 2021, une expérimentation en service commercial de l’utilisation de biocarburant végétal a été lancé sur la ligne Paris-Granville avec quinze rames Régiolis (Alstom). L’un des avantages de cette innovation par rapport au train diésel est qu’elle n’impose aucune modification de la motorisation, que la consommation est identique et surtout que les émissions de CO2 diminuent de 60 % par rapport au gazole. Des tests se sont également déroulés avec succès dans les Hauts-de-France et en Bourgogne. C’est donc une bonne alternative en attendant que les technologies ferroviaires plus décarbonées soient mises au point.
Il convient toutefois de préciser que cette énergie suppose de détourner une partie des terres destinées à la culture du colza, largement importé, d’autres productions destinées à l’alimentation humaine.
Le TER à hydrogène consiste à remplacer les moteurs diésel par une chaine de traction hydrogène pour éliminer les émissions de CO2. Ce mode de motorisation exonère le gestionnaire des temps de rechargement des batteries et permet une plus grande autonomie. Selon le cabinet d’expert ferroviaire Roland Berger, à horizon 2035 environ 15 à 20 % du marché européen régional pourrait fonctionner à l’hydrogène. Les quatre régions Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne–Franche-Comté, Grand-Est et Occitanie ont lancé en 2021 une première commande auprès d’Alstom de douze rames bimode électrique-hydrogène (Coradia Polyvalent) qui bénéficient d’une autonomie pouvant aller jusqu’à six-cents kilomètres sur les portions de lignes non électrifiées.
Cependant, le recours à cette énergie n’est pas forcément de limiter ou réduire les émissions de dioxyde de carbone, car seul l’hydrogène « vert », fabriqué à l’aide d’énergies renouvelables et n’émettant pas ou peu de CO2, est considéré comme durable. D’autres méthodes de fabrication de l’hydrogène, à partir d’énergies fossiles, bien plus courantes, existent et émettent des gaz à effet de serre.
Le TER hybride : dans les rames bimodes (Régiolis d’Alstom) qui fonctionnent d’origine à l’électricité et au diésel, la moitié des moteurs diésel seront remplacés par des batteries qui récupèreront l’énergie de freinage pour la réutiliser. Cette dernière représente environ 30 % de l’énergie de traction. Pour garantir une disponibilité maximale, les batteries pourront également être rechargées par les moteurs thermiques et les caténaires. La première rame de ce train de nouvelle génération fera ses débuts en service commercial en 2023 dans les quatre régions partenaires : Grand-Est, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Centre-Val de Loire.
Le TER à batteries : en 2021, le constructeur Bombardier a remplacé les moteurs diésel dans cinq rames bimode (électrique et thermique) par des batteries. Ces batteries sont rechargées par les caténaires lorsque les rames circulent sur des portions électrifiées ; elles permettent l’alimentation de la chaine de traction sur les portions non électrifiées. L’autonomie de quatre-vingts kilomètres, assurée par les batteries est jugée suffisante pour déployer ces trains sur des lignes partiellement électrifiées. Des essais sont prévus dès 2023 dans les régions Hauts-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes.
Ces différentes technologies représententdles enjeux sont importants pour l’industrie française et ne s’inscrivent pas dans les mêmes calendriers et besoins de développement. Toutes ces innovations qui seront portées par la SNCF aux côtés des Régions et des industriels pour le rétrofit (*) et le matériel roulant neuf vont-elles contribuer de façon décisive à réussir la sortie du diésel en 2035 ?
Joël Forthoffer
(*) rétrofit (de l’anglais retrofit) : opération consistant à remplacer des composants anciens ou obsolètes par des composants plus récents ou, dans le cadre de cet article, opération visant à remplacer une motorisation thermique, émettrice de CO2 par une énergie non polluante. Cette démarche, pour le particulier peut, sous certaines conditions, ouvrir droit à des avantages financiers (Arrêté du 13 mars 2020 relatif aux conditions de transformation des véhicules à motorisation thermique en motorisation électrique à batterie ou à pile à combustible).
inutile
N°311 (décembre 2022)
Décarbonisation et transports
Avec la pandémie, rarement les paradigmes de la mobilité et des transports auront autant été bousculés. La France et l’Union européenne (UE) se sont fixé comme objectif de réduire drastiquement les émissions de CO2 aux horizons 2030 et 2050. Alors que le secteur des transports, tous modes confondus, est le seul qui a augmenté ses émissions depuis 1990, il est important d’avoir en tête quelques chiffres afin de mieux saisir les leviers sur lesquels il faut agir pour accélérer la transition.
L’analyse des évolutions d’émission de CO2 du secteur des transports terrestres en Europe, étroitement liées aux cycles économiques, fait ressortir trois périodes distinctes :
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Depuis le début des années quatre-vingt-dix, jusqu’en 2007, une période de croissance forte de la demande porte les émissions à la hausse.
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Entre 2007 et 2012, une période de baisse de la demande du fait de la crise économique et du développement des biocarburants contribue à limiter les émissions.
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Entre 2012 et 2019, en France comme dans la majorité des pays de l’UE, la consommation et les émissions de CO2 repartent à la hausse.
L’ensemble des transports représentaient plus du tiers de la consommation d’énergie finale en France en 2019 contre 29% en 1990 ou encore 18% en 1970. Ce poste est donc l’un des responsables de l’accroissement de la consommation finale d’énergie (la part de la route s’élevant à 81,4%). Le secteur des transports dépend, à plus de 91%, des énergies fossiles.
Le transport est aussi le principal émetteur de CO2 (plus de 30% en 2019) des émissions totales de gaz à effet de serre (GES), dont 94% provenant du seul transport routier. Dès 2010, avec les lois Grenelle qui faisaient du report modal le principal levier de décarbonisation des transports, la France a investi dans les transports en commun (TER, tramways) ; elle a tenté, sans y parvenir pleinement, de relancer le fret ferroviaire et d’instaurer une taxe pour les poids lourds.
Les usages et les enjeux de la mobilité et des transports varient profondément d’un territoire à l’autre, ce qui complique les approches à adopter et les réponses à apporter à la question de leur décarbonisation. L’Institut Montaigne dans son rapport a distingué quatre territoires pour identifier des solutions concrètes :
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Le centre urbain des métropoles qui est un territoire susceptible de voir se développer une logistique urbaine moins émettrice de GES (transports en commun et recours aux mobilités douces).
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Les territoires périurbains (ou banlieue-métropolitaine), là où les flux de déplacement représentent la moitié des émissions de la mobilité des aires urbaines, se prêtent à l’utilisation du ferroviaire (RER), aux usages partagés, à l’essor du vélo et des véhicules électriques.
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La ville moyenne résidentielle, territoire favorable à l’emprunt des TER, au covoiturage, aux solutions multimodales pour la logistique « du dernier kilomètre ».
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Les territoires ruraux qui gagneraient à favoriser les usages partagés et l’électrification de véhicules, entre autres solutions envisageables.
Concernant les transports ferroviaires en France, aujourd’hui 85 % des trains sont à traction électrique. Les 15 % restant circulent en traction thermique sur 15 000 kilomètres de lignes à faible trafic ou « petites lignes ». Ils desservent aussi des centres urbains importants. C’est pourquoi les constructeurs de matériel ferroviaire ont lancé des programmes de développement de trains hybrides, capables d’utiliser plusieurs sources d’énergie : alimentation électrique par caténaires, énergie stockée dans des batteries ou moteurs à hydrogène. Des essais de nouveaux matériels innovants plus économes en énergie et moins polluants sont en cours. Il en va de même pour la transformation des récentes rames TER bimodes Régiolis qui fonctionnent à l’électricité et au diésel.
Depuis plusieurs mois, l’inflation s’est invitée dans les débats ; l’une des réponses à l’explosion du prix du carburant a été de compenser en partie ces augmentations à la pompe. Cette mesure est non seulement ruineuse pour les finances publiques (env. trois-milliards d’euros), mais aussi antiécologique, car elle va à l’encontre de la décarbonisation de l’énergie. De plus elle est injuste puisqu’elle profite surtout aux propriétaires de grosses voitures qui sont les plus polluantes. Certains de nos voisins ont fait d’autres choix, en Allemagne et en Espagne c’est une gratuité (temporaire) des transports ferroviaires qui a été retenue. Bien sûr, cette mesure, incitative à utiliser les transports en commun n’est pas neutre économiquement ; elle a au moins le mérite de réduire la pollution.
Quoi qu’il en soit, pour que les transports jouent un rôle majeur dans l’atteinte de l’objectif de la neutralité carbone en 2050 au niveau national, les nouvelles sources d’énergie, l’amélioration des performances des véhicules, l’investissement dans les infrastructures et le matériel ferroviaire de nouvelle génération, ne représentent-ils pas les leviers d’actions à mettre en œuvre dès à présent pour mener une transformation à long terme ?
Joël Forthoffer
Pour approfondir :
Le dernier numéro de la Revue d’histoire des chemins de fer (N° 57) publie les actes d’un colloque organisé par l’association Rail & Histoire en décembre 2021 (ahicf.com) : « Le chemin de fer : deux siècles d’enjeux environnementaux »
N°310 (septembre 2022)
Énergie nucléaire et projets ferroviaires
En cette période de crise, l’énergie nucléaire revient sur le devant de la scène pour assurer notre indépendance énergétique. Dans son sillon, se pose également la question de la gestion des déchets radioactifs ; nous avons choisi d’en évoquer le transport.
Depuis le début du xıxe siècle, l’uranium est associé à la fabrication d’émaux et de porcelaines. Mais, avec la maitrise des applications de la radioactivité artificielle et de l’énergie de fission, dans les années 1960 puis l’utilisation des matériaux radioactifs dans différents secteurs économiques, le volume des matières radioactives transportées s’est considérablement accru.
Aujourd’hui, le nombre de « colis » de ce type circulant dans le monde est estimé à environ 10 millions chaque année, ce qui représente moins de 2 % de l’ensemble des « colis » de matières dangereuses en circulation. En Europe, tous modes confondus, plus de 2,5 millions de contenants de matières radioactives sont transportés. La part, pour la France est de 900 000 environ.
Le poids des colis varie, toutes catégories confondues, de quelques grammes (flacons) à une centaine de tonnes pour les « châteaux », ces conteneurs blindés qui servent au transport des matières radioactives. Les produits sont destinés à trois familles d’utilisation :
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65 % servent pour réaliser des contrôles techniques et de la recherche. Il s’agit d’appareils de détection de plomb (diagnostic immobilier) et de gammagraphies (radiographie industrielle).
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20 % concernent l’approvisionnement des hôpitaux en produits radiopharmaceutiques et en sources de radiothérapie. Ces sources ont, pour l’essentiel, des durées de vie très courte.
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15 % sont en rapport avec les différentes étapes du cycle du combustible nucléaire : conversion, enrichissement, fabrication, utilisation, retraitement.
Les transports qui sont liés à l’industrie électronucléaire constituent donc une part limitée de ceux de substances radioactives. Le transit par chemin de fer a été choisi en priorité pour les colis lourds. Il en est ainsi de la quasi-totalité du combustible irradié destiné au retraitement à l’usine de La Hague (colis en provenance des centrales allemandes qui après retraitement sont acheminés par train à Gorleben [Allemagne] pour leur stockage, par exemple).
La grande partie des déchets radioactifs, soit 90 % du volume total des déchets produits chaque année en France, est stockée en surface dans des sites situés dans les départements de la Manche et de l’Aube (très faible activité et durée de vie courte). Cependant 10 % des déchets à haute activité et durée de vie longue ne peuvent être stockés en surface où à faible profondeur. Suivant les directives européennes, ces déchets ne peuvent être exportés ; ils doivent être stockés dans des couches géologiques profondes.
C’est pour répondre à ces exigences que le projet Cigéo pour l’enfouissement des déchets à Bure (ville à la limite des départements de la Meuse et de la Haute-Marne) est né au début des années 1990. Depuis, des études et recherches sont menées par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) dont le calendrier prévisionnel affiche la construction d’une première tranche avec un début de stockage prévu à partir de 2040. Pendant toute sa durée de fonctionnement, jusque 2150, l’essentiel des colis de déchets serait acheminé depuis les sites producteurs jusqu’à Bure, par train, à raison de cinq par mois.
L’étude du volet transport de ce projet a démarré en 2021 par une déclaration d’utilité publique relative à la modernisation de la ligne de fret de Nançois-Tronville à Gondrecourt-le-Château. Un débat, mené en 2013, avait conduit à privilégier le transport ferroviaire, jugé plus sécuritaire que le routier. L’aménagement de cette ligne est donc essentiel.
D’une longueur de 36 km, elle doit encore faire l’objet de travaux de rénovation et de sécurisation : réfection de la totalité de la plateforme et des voies, rénovation de vingt-six ouvrages d’art (ponts, routes et rails), modernisation des passages à niveau (22 à supprimer et 37 à automatiser). Enfin, depuis Gondrecourt, une installation terminale embranchée longue de 14 km devra être construite sous la responsabilité de l’Andra.
La concertation conduite par le maitre d’ouvrage, SNCF Réseau, a associé à ce projet les habitants des seize communes directement concernées. Le sujet est sensible, les réunions d’information qui se sont tenues se sont efforcées d’apporter des réponses aux nombreuses questions des riverains ; elles ont tenté de dissiper leurs légitimes inquiétudes.
Le nucléaire est un thème qui oppose les « partisans » (puisque la décroissance n’est pas à l’ordre du jour) et ceux qui prônent l’arrêt de cette source d’approvisionnement en énergie.
Quoi qu’il en soit, il faut prendre en compte les déchets. Le fait que le convoyage vers les sites d’enfouissement se fasse par transport ferroviaire nous semble être la plus sécurisante des solutions, mais il reste du chemin à parcourir.
Joël Forthoffer
Pour approfondir, sur les concertations relatives à la ligne de Nançois-Tronville à Gondrecourt-le-Château : https://www.sncf-reseau.com/fr/reseau/grand-est/modernisation-ligne-fret-nancois-tronville-gondrecourt-chateau/concertation
N°309 (juin 2022)
Trains de nuit, débuts d'une renaissance ?
En France, comme dans bon nombre de pays européens, l’offre en train de nuit a été régulièrement réduite pour des raisons économiques. La mise en place de liaisons par trains à grande vitesse, avec des départs matinaux, des arrivées tardives et des temps de trajet plus courts ne joue pas en faveur de ces voyages nocturnes.
Ainsi, fin 2021 il ne subsistait, théoriquement, que cinq lignes de nuit desservant notre territoire, deux lignes quotidiennes exploitées par la SNCF Paris-Briançon (Hautes-Alpes) et Paris à Latour-de-Carol (Pyrénées-Orientales) et une ligne exploitée par Thello (marque de l’entreprise publique italienne Trenitalia) entre Paris, Milan et Venise. Les deux autres lignes, jusqu’en mars 2020 et la crise sanitaire qui a contribué à supprimer les liaisons internationales, étaient commercialisées par les chemins de fer russes. Elles assuraient une liaison hebdomadaire entre Paris et Moscou via Berlin et Nice à Moscou.
Pendant cette crise qui a mis à l’arrêt le secteur aérien, l’argument écologique du train comme solution pour réduire l’émission de gaz à effet de serre dans les transports (qui représente 30 % du total national en 2020, selon le ministère de la Transition écologique) s’est amplifié. À cela s’ajoute le fait qu’un grand nombre de nos concitoyens a redécouvert les territoires de proximité et leurs attraits.
Les dessertes ferroviaires qui relient les villes moyennes font partie intégrante de l’aménagement des territoires. Les trains de nuit, contrairement aux liaisons TGV qui relient directement les métropoles, contribuent à un aménagement rationnel du territoire puisqu’ils desservent des villes situées sur l’itinéraire entre les métropoles. Avec les trains Intercités de jour, ces trains de nuit apporteront-ils une solution supplémentaire au désenclavement des territoires ?
Ces dernières années, plusieurs pays en Europe comme l’Autriche et la Suisse promeuvent un redéploiement de l’offre de train de nuit et tentent d’inverser la tendance. Si bien que la Commission européenne à initialisé des études et des projets. Le gouvernement français n’est pas en reste : il a décidé de remettre en circulation, dès cette année, deux lignes de nuit : de Paris à Nice et de Paris à Tarbes en engageant parallèlement un plan de relance du transport ferroviaire avec un investissement de plus de cent-millions d’euros qui se partagent entre les investissements pour le matériel roulant et l’adaptation des installations (accueil des voyageurs et maintenance du matériel et des infrastructures…).
En décembre dernier, nombreuses ont été les déclarations gouvernementales pour afficher et marquer le retour des trains de nuit au changement de service. L’intention est louable, mais il faudra procéder par étapes et persévérer dans les efforts pour reconstituer un réseau maillé formé de liaisons radiales et transversales irrigant le territoire. À l’heure actuelle, le site SNCF Connect propose quatre liaisons : Paris-Briançon (via Gap…), Paris-Nice (via Marseille, Cannes…), Paris-Albi (via Rodez…), Paris-Portbou (via Toulouse, Perpignan, Argelès-sur-Mer…)
La relance effective avec une dizaine de relations depuis Paris ou par liaisons transversales ne pourra s’effectuer progressivement qu’à partir de 2026. Ces circulations nécessiteront des investissements en matériel roulant, elles supposent de disposer de sillons. Aujourd’hui, un bon nombre de travaux de remise à niveau des infrastructures qui souvent se font de nuit, sont encore planifiés et les sillons commandés jusqu’en 2025. En attendant du matériel neuf, parmi les 257 voitures Corail rénovées au milieu des années 2000, 150 d’entre elles font l’objet d’un programme de rénovation dans les technicentres de Périgueux (Dordogne) et Tergnier (Aisne) et contribuent ainsi au maintien de l’activité de ces sites. À l’horizon 2026-2030, quelques 800 millions supplémentaires sont prévus pour remplacer les voitures Corail qui compteront plus de quarante-cinq années de service.
L’exploitation des trains de nuit reste certes plus couteuse que celles des trains de jours, mais en offrant des niveaux de services différents : sièges inclinables, couchettes, lits et équipement modernes (toilettes, wifi, climatisation…) elle peut capter une clientèle diversifiée pour des déplacements aussi bien professionnels que de loisir.
La recherche de complémentarités entre les lignes, par exemple entre les dessertes de montagne l’hiver et des zones littorales l’été est une des pistes à étudier pour attirer la clientèle. Une offre de service sécurisée dans les trains et dans les gares desservies par des arrêts de pleine nuit ou des arrivées matinales, ainsi que des services à bord des voitures sont des conditions indispensables à mettre en œuvre pour la fidéliser.
Quel modèle économique faut-il retenir pour le financement du matériel ? Faut-il reprendre le schéma classique qui a prévalu jusqu’à présent, avec néanmoins la contrainte de trouver des sources pour financer sur un temps court un matériel roulant dont la durée de vie est estimée à environ quarante ans ou ne serait-il pas préférable d’innover ?
Ce modèle économique reste à construire. Il doit être consolidé, mais déjà des réflexions sont menées, aussi bien pour la maintenance des installations ferroviaires, le matériel (loué ou acheté), la gestion et l’exploitation des lignes…
Joël Forthoffer
Pour en savoir plus :
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Georges Ribeill, 2021, Édition La vie du Rail, Paris, 223 pages
N°308 (mars 2022)
Quel avenir pour le fret ferroviaire ?
Alors que l’on reconnait, de longue date, aux chemins de fer des atouts structurels pour le transport terrestre à l’échelle française, comme à celle du continent européen, les prévisions de développement peinent aujourd’hui encore à se concrétiser. Le transport de marchandises qui, en France, a été la première activité ouverte à la concurrence, en est un triste exemple.
Associant plusieurs centres de recherches universitaires de différentes disciplines (économie, droit, géographie, sociologie), la trentaine d’intervenants (consultants et syndicalistes) du colloque international « L’État et le rail : les transports ferroviaires au prisme de la puissance publique »1 se sont interrogés sur les évolutions récentes de ce mode de transport dans différents domaines. Les débats et échanges, compte tenu de la situation de l’activité, de la question environnementale et des annonces gouvernementales en France, ont particulièrement porté sur le transport de marchandises.
L’intervention de la puissance publique dans les chemins de fer est aussi ancienne que les chemins de fer eux-mêmes. Tout au long du xıxe siècle, dans la plupart des pays du monde, la création des réseaux ferroviaires résulte d’initiatives privées (ingénieurs, industriels, banquiers…) et de constantes interventions de l’État, à différents niveaux : législatifs, règlementaires, administratifs, politiques. La puissance publique a accompagné la création de réseaux en monopoles qui, parfois, subsistent encore aujourd’hui.
Depuis 1974, après avoir connu une pointe des trafics à 74 milliards de tonnes-kilomètres, le fret ferroviaire français, qui représentait alors encore 46 % du volume des marchandises transportées, a subi un déclin se traduisant à la fois par une forte baisse des trafics et une chute régulière des recettes. Le transport de marchandises par voies ferrées ne cesse depuis une cinquantaine d’années de perdre du terrain par rapport à la route à qui la concurrence intermodale profite toujours plus.
À partir de 1987 une nouvelle terminologie apparait dans le lexique de la SNCF. On ne parle plus de « transport de marchandises », mais de « fret », un vocabulaire emprunté à la marine marchande. Cette nouvelle appellation et les restructurations qui accompagnent ce changement de terminologie correspondent à la financiarisation de l’opérateur historique qui se prolonge au début des années 1990. Ces évolutions ne suffiront pas à relancer l’activité !
Malgré une multitude de rapports et près d’une demi-douzaine de « plans de relance » en 2003, 2007, 2009, 2011 et 2016, la reprise de l’activité fret se fait toujours attendre. La SNCF, de longue date, a créé des filiales de droit privé qui concurrencent directement Fret SNCF, mais consolident le bilan de l’activité dans le groupe. C’est le cas par exemple de Naviland Cargo pour le transport de conteneurs et de VFLI (Voies ferrées locales et industrielles), opérateur ferroviaire de proximité, devenu depuis janvier 2021 Captrain France. La dernière de ces réorganisations, en 2018, a consisté à lui donner au
1er janvier 2020, le statut de SAS (Société par actions simplifiées) dans le nouvel ensemble de cinq sociétés anonymes composant le Groupe SNCF sous la tutelle de la « maison mère » SA SNCF. Cette dernière réforme met un terme au recrutement des cheminots au statut. Elle permet l’assainissement de la structure financière du nouveau groupe grâce à la reprise par l’État de 35 Md€ de dette ferroviaire (25 Md€ en 2020 et le solde en 2022).
Contrairement aux idées reçues et selon les autorités des transports, la France reste avec l’Allemagne, un des pays d’Europe dans lesquels les volumes transportés sont les plus importants. Mais aujourd’hui, le transport par rail ne concerne plus que 9 % des marchandises transportées en France. La récente crise sanitaire ne fait que souligner la crise climatique et la nécessité de proposer des solutions aux chargeurs dans les territoires. Les efforts pour la réactivation du « train des primeurs » symbolisent à eux seuls le début d’une relance perceptible du fret ferroviaire.
Suivant les préconisations issues d’un rapport élaboré en juin 2020 par les principales entreprises de transport ferroviaire (les opérateurs, les gestionnaires d’infrastructures et les acteurs de la filière en
France2 ), le Gouvernement a proposé un nouveau plan de relance de la filière. Dans la continuité des mesures d’aide déjà annoncées en 2020 pour la sortie de crise sanitaire et en application de la stratégie nationale pour le développement du rail, les autorités prévoient le maintien, jusqu’en 2024, d’une enveloppe additionnelle de 170 M€ pour soutenir l’exploitation des services de fret ferroviaire et le transport combiné. Elles entendent ainsi répondre à quatre enjeux majeurs :
- assurer la viabilité des services et la pérennité du modèle économique des opérateurs,
- améliorer la qualité du service fourni par SNCF Réseau,
- renforcer la performance des infrastructures permettant le développement du fret,
- développer la coordination avec l’activité portuaire et fluviale.
Avec la défense de l’Environnement dans les débats publics, la publication de la loi du 22 aout 2021
« portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets », la France s’engage officiellement, à doubler la part modale du fret ferroviaire dans le transport de marchandises d’ici 2030 en « mobilisant l’ensemble des acteurs publics et privés concernés ». Les décisions prises seront-elles suffisantes pour répondre à ces engagements ?
Joël Forthoffer
Pour en savoir plus :
• Article de Ugo Thomas, 2020, « La longue nuit du fret ferroviaire », https://blogs.mediapart.fr/ugo-thomas blog/020820/la-longue-nuit-du-fret-ferroviaire
• Marché du transport ferroviaire en France et en Europe : https://www.autorite-transports.fr/observatoire-des-transports/marche-du-transport-ferroviaire/
1/ Programme détaillé du colloque sous :https://univ-droit.fr/actualites-de-la-recherche/manifestations/38811-l-etat-et-le-rail-les-transports-ferroviaires-au-prisme-de-la-puissance-publique
2/ Le Fret ferroviaire pour concilier relance économique et écologie, 2020, 22 p. Le rapport disponible sur le site internet www.fret4f.fr
N°307 (décembre 2021)
De la covid 19 au passe sanitaire
La pandémie a profondément affecté les transports ferroviaires. Tout d’abord elle a eu un impact sur les déplacements de proximité, ensuite une influence sur les mobilités à longue distance. Lors du premier confinement, une diminution nette des voyages, notamment de ceux en heure de pointe, a été constatée.
Après un début d’année 2019 où la fréquentation des TER était en hausse dans toutes les régions, la crise sanitaire a marqué un coup d’arrêt brutal à la dynamique de croissance enregistrée depuis le début la régionalisation. En 2020, les répercutions sur le trafic sont restées importantes. L’autorité de régulation des transports (ART), dans son bilan semestriel, souligne que les confinements ont particulièrement touché les circulations longues distances (TGV et internationales) qui affichent une baisse de fréquentation de 30 % sur un an contre 21 % en moyenne tous services confondus. Pour 2021, après un début d’année très difficile, les opérateurs tablent sur un retour de trafic estimé entre 70 et 80 % du trafic d’avant la crise. Mais la crainte de la contagion qui a détourné, de gré ou de force, une part significative des voyageurs vers le télétravail, la visioconférence, l’enseignement à distance… les évolutions des comportements, des habitudes de travail et des modes de déplacements font douter de ces perspectives. L’automobile et les mobilités actives resteront-elles les seuls moyens de déplacement à profiter de ces changements ?
Les constats et les recommandations de deux rapports publiés au cours de cette année nous éclairent sur les évolutions attendues dans le domaine des transports ; ils préconisent quelques pistes pour le ferroviaire.
Celui du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) intitulé Changements climatiques 2021 est accablant ! S’appuyant sur les connaissances les plus avancées et les plus récentes sur la science du climat, il confirme l’influence néfaste de certaines activités humaines. Il insiste sur la nécessité d’agir maintenant pour tenter d’inverser la tendance. Arnaud Gauffier (Directeur de la Conservation chez WWF-France) précise pour sa part : « L’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C nécessiterait des efforts colossaux et urgents de modification des politiques publiques et de nos modes de vie. Pour aligner les émissions de la France sur un objectif de 1,5 °C, il faudrait par exemple, abandonner les moteurs thermiques des voitures individuelles au plus vite, renoncer aux liaisons aériennes internes et limiter drastiquement les vols internationaux. »
Une exigence forte pèse sur le secteur des transports, responsable de 30 % des émissions de gaz à effet de serre si l’on veut atteindre la neutralité carbone fixée à l’horizon 2050. Afin de faire face aux changements de comportement des populations, les pouvoirs publics sont invités à s’interroger sur les politiques d’aménagement du territoire et d’urbanisme. Il leur appartient de proposer des solutions de mobilité qui simplifient les déplacements en offrant une alternative au tout automobile, et donc de mettre à disposition les financements adéquats.
Autre rapport, celui de la Cour des comptes, en juillet 2021. Il analyse les conséquences de la crise de la covid sur les transports publics et en particulier les transports ferroviaires placés sous la responsabilité́ des régions. Les rédacteurs examinent, aussi précisément que possible, les impacts à court terme de l’épidémie en vérifiant le caractère approprié des mesures de soutien prises. Ils s’interrogent sur les évolutions futures qui restent encore incertaines. Au final, ce rapport préconise également d’adapter l’offre aux nouveaux comportements de mobilité́, tout en la rationalisant et en augmentant ses performances (accroissement des vitesses commerciales, développement de l’intermodalité, simplification des tarifs...)
Qu’en est-il ? Depuis quelques années déjà, SNCF Réseau consent des investissements importants pour améliorer les infrastructures dont elle a la charge, leur conférant ainsi plus de robustesse et de capacité. En maintenant le rythme actuel, selon les experts, il faudra plus de sept ans pour parvenir à un état satisfaisant du réseau. De fait, compte tenu du retard considérable pris dans la modernisation des commandes centralisées du trafic et de la signalisation embarquée (ERTMS) une quinzaine d’années seront nécessaires. Pourtant, ces évolutions permettraient à terme d’harmoniser la signalisation ferroviaire à l’échelle européenne, elles faciliteraient la circulation des trains, amélioreraient la régularité du trafic et contribueraient à l’augmentation de la capacité de circulation en désaturant notamment les nœuds ferroviaires… Les efforts consentis sont-ils à la hauteur des enjeux ?
D’autre part, le projet d’entreprise Tous SNCF, lancé en début d’année a comme objectif de favoriser le report modal vers le train et de « sortir du diésel » en misant sur les technologies expérimentées et déployées comme le train à hydrogène, les trains hybrides, les trains à batteries ou roulant grâce à la biomasse. Le président du groupe SNCF a rappelé à la rentrée dans son discours : « Notre objectif, c’est zéro émission en 2050 ».
Mais ces vœux d’une mobilité décarbonée corrélative à une relance du ferroviaire dépassent le cadre de l’entreprise… L’État et les Régions sont les maitres d’ouvrages de ces changements. Il conviendra d’être attentif aux engagements des hommes et des femmes politiques qui briguent la plus haute responsabilité de notre pays sur ce sujet.
Joël Forthoffer
Pour en savoir plus :
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rapport du Giec : https://www.vie-publique.fr/en-bref/281114-rapport-du-giec-sur-le-climat-un-constat-alarmant (les détails du rapport sont en langue anglaise)
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rapport Cour des comptes : www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/280746.pdf
N°306 (septembre 2021)
2021 : année européenne du rail
Alors que la crise de la Covid-19 a montré que le rail pouvait assurer le transport rapide de biens essentiels tels que la nourriture, les médicaments et le carburant dans des circonstances exceptionnelles (voire, également, participer au transfert des malades), le secteur ferroviaire a lui-même été touché par la réduction des activités en raison des limitations des déplacements et de la diminution des activités industrielles. En France comme en Allemagne, les opérateurs historiques des chemins de fer ont souffert : 47 milliards d’euros de pertes en 2020 pour la SNCF et une estimation à 5,6 milliards pour la Deutsche Bahn.
C’est dans ce contexte difficile que le Parlement européen a approuvé en décembre dernier, la proposition de la Commission de déclarer la période allant de mars 2021 à mars 2022 « Année européenne du rail ». Cette décision vise à organiser au niveau de l’Union un ensemble d’actions dirigées de façon prioritaire vers le grand public, avec l’objectif d’inciter à utiliser le chemin de fer pour le transport de voyageurs, tout comme pour le fret (pour en savoir plus : https://europa.eu/year-of-rail/events_fr). À ce mouvement d’ensemble, s’ajouteront des initiatives associant les opérateurs des États membres, afin d’amplifier le partage d’expérience. L’objectif est d’initier de bonnes pratiques, de les généraliser, et d’en informer les usagers, professionnels ou non.
Rappelons que dans l’Union européenne (UE), les transports représentent 25 % des émissions de gaz à effet de serre et que le train est le seul mode de transport terrestre ayant considérablement réduit ses émissions depuis 1990. Il représente donc une excellente alternative pour voyager de façon durable et responsable. Il est important de rappeler que le transport ferroviaire n’est responsable que de 0,4 % des émissions de CO2. De plus, dans l’UE, le risque d’accident ferroviaire mortel est de 0,1 par milliard de voyageurs-kilomètres, contre 0,23 pour des accidents de bus, 2,7 pour des accidents de voiture et 38 pour des accidents de moto (2011-2015) ce qui rend le rail exceptionnellement sûr.
Face à ce constat, les ministres des Transports des États de l’Union européenne s’interrogent. Comment soutenir financièrement le secteur ferroviaire pour promouvoir des modes de transport respectueux de l’environnement et parvenir à la neutralité climatique d’ici 2050 ? La question est d’autant plus complexe que les besoins diffèrent selon les États membres. Pour certains, le fret ferroviaire est très important, mais pour d’autres la priorité est de développer le réseau, ailleurs, la priorité va à la modernisation les infrastructures. La France par exemple, fait partie des seize États membres, souhaitant que les soutiens de l’UE soient davantage orientés vers les opérateurs de fret ferroviaire pour harmoniser et favoriser le développement des pratiques nationales trop éparses pour le rendre plus compétitif que le transport routier. Elle le manifeste avec son plan de relance de l’économie qui consacre 11,5 milliards d’euros aux transports dont 4,7 au mode ferroviaire dans le domaine de l’infrastructure (réseau fret, « petites lignes ferroviaires ») mais aussi dans les activités comme la relance des trains de nuit.
2021 représente aussi la première année de mise en œuvre du quatrième « paquet ferroviaire » qui se compose d’un ensemble de règlements et de directives qui vise à harmoniser la sécurité d’accès au réseau et à refonder la gouvernance de l’infrastructure ferroviaire européenne. Son objectif est de renforcer la compétitivité du transport ferroviaire et de faciliter la libre circulation des voyageurs et des marchandises avec l’achèvement de la mise en place de l’espace ferroviaire unique européen et ainsi d’affirmer la politique ferroviaire de l’UE. Ces dispositions sont de nature à assurer la cohésion interne et transfrontalière des régions européennes, où seulement 7 % des personnes voyagent en train et 11 % des marchandises sont transportés par le rail du fait de l’insuffisance, ces dernières années, de l’investissement dans les infrastructures. Certes, aujourd’hui il existe un fonds du mécanisme d’interconnexion en Europe pour la période 2021-2027 pour financer les projets en matière de transport, d’énergie et de numérique. Si environ 10 milliards d’euros sont alloués à des projets transfrontaliers de transports, ces fonds sont en grande partie affectés à de grands projets, comme Lyon-Turin pour en accélérer l’achèvement.
Dans un souci de favoriser la cohésion entre les régions et leurs citoyens dans leur quotidien, ne serait-il pas souhaitable que l’UE renforce aussi son implication dans des projets plus modestes pour stimuler la mobilité ferroviaire à travers ses frontières ?
Nul doute que cette « Année européenne du rail » est un formidable levier pour relancer le secteur ferroviaire pour qu’il fasse mieux que survivre en lui donnant l’occasion de s’adapter au monde d’après, et que la SNCF demeure un partenaire incontournable de cette évolution !
Précisons encore que l’UAICF et le CLEC s’associeront, autant que possible, pour promouvoir les actions menées en faveur du rail, avec les femmes et les hommes qui contribuent à son dynamisme.
Joël Forthoffer
N°305 (juin 2021)
Transports ferroviaires, le monde d'après
Conséquence directe de la COVID qui a conduit à l’arrêt des activités et à des restrictions de voyages, les entreprises ferroviaires traversent une crise économique historique sans précédent. Selon les premières estimations de l’UIC et de ses membres à travers le monde, sur une année, la baisse du trafic voyageur devrait atteindre 30 % tandis que celle du transport de fret atteindrait 10 %. La réduction des activités et le transfert de la route vers le rail du fret pendant le confinement expliquent ces résultats.
La crise sanitaire et sa durée ont profondément modifié nos comportements. La digitalisation a connu un bond sans précédent avec le télétravail et les visioconférences. Les habitudes de consommation aussi, avec le « consommer local », la livraison à domicile… Ces transformations vont-elles perdurer et comment les transports vont-ils s’adapter ?
Économistes, sociologues et urbanistes s’accordent pour considérer la crise en cours comme un accélérateur de tendances qui va bouleverser notre mode de vie et nous obliger à repenser notre modèle économique. En attendant, les entreprises ferroviaires, qui subissent une crise financière sans précédent, échafaudent des scénarios et s’interrogent sur l’évolution des transports publics ou ferroviaires.
L’argument écologique visant à promouvoir les transports en commun reviendra rapidement dans les débats notamment en vue du respect des objectifs climatiques de 2030. Des réponses concrètes seront à mettre en avant. L’utilisation de carburants moins polluants (électricité, hydrogène…), l’utilisation d’engins moteurs moins énergivores… participeront à la transition écologique. Face à la diversité du matériel roulant, plusieurs solutions pourraient être mises en œuvre : substitution du diésel par du biocarburant végétal, trains hybrides permettant de récupérer l’énergie, TER à batteries (https://www.sncf.com/fr/innovation-developpement/innovation-recherche/ter-a-batteries).
Le développement des plateformes multimodales, une information-voyageurs en temps réel et une billettique globale qui coordonneront les horaires en intégrant un ensemble de modes de transports contribueront au développement de l’inter et la multimodalité.
La digitalisation du secteur avec le Big data, la maintenance à distance, la dématérialisation des transactions et les services connectés à destination des voyageurs seront intégrés par les réseaux et exploitants.
Les nouveaux tarifs voyageurs devront prendre en compte plusieurs aspects, notamment, le télétravail qui perdurera dans les entreprises et limitera les déplacements au quotidien et l’attrait de la qualité de vie des villes moyennes. Cet engouement pouvant rallonger les distances domicile-travail et domicile-études. Pour les déplacements professionnels à longue distance, nous assistons à une véritable disruption face à laquelle le système de réservation TGV devra se réinventer pour plus de transparence et d’équité ; la gamme tarifaire ferroviaire devra être révisée et les prix ajustés. Il s’agira de « vendre le bon produit au bon client, au bon moment et au bon prix », ce que l’on désigne, notamment dans le transport aérien par la formule yield management.
L’évolution du cadre règlementaire et le contexte institutionnel pourraient bénéficier aux opérateurs de transports publics, notamment la prise en compte des évolutions sociales (accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, transport à la demande…).
L’infrastructure ferroviaire, avec la « métropolisation » des territoires devra bénéficier d’investissements importants pour mettre en place des transports de type « RER » autour des grandes zones urbaines régionales, mais également pour moderniser le réseau : les dernières expertises confirment un état de sous-investissement notoire !
Fret ferroviaire a joué un rôle économique indispensable dans le cadre de l’approvisionnement des secteurs industriels et agroalimentaires. Certes, ce service doit améliorer sa compétitivité dans le plan de relance qui passe par des investissements en infrastructures, mais il devra également bénéficier d’équipement facilitant la gestion du trafic sur les grands axes européens comme l’ERTMS (en anglais, European Rail Traffic Management System).
Si, de longue date, on a reconnu aux chemins de fer des atouts structurels à l’échelle du continent européen, les visions prospectives pro-européennes dans ce domaine peinent aujourd’hui encore à se concrétiser.
Les intentions formulées pendant la crise sanitaire, prônant des transferts de déplacements aériens vers le ferroviaire verront-elles le jour ?
Dans cet esprit, la renaissance des trains de nuit, dont l’utilité a été reconnue, représente une alternative aux déplacements aériens intraeuropéens. Les premières circulations avec du matériel moderne ont démarré cette année avec l’opérateur autrichien ; il a lancé ses premières lignes transfrontalières, il prévoit de s’étendre vers la France.
Face aux bouleversements en cours, assisterons-nous à la mise en place d’un service public européen avec des standards communs pour favoriser les déplacements quotidiens respectueux de l’environnement ?
Dans les années 1950, autre période, très bousculée pour le monde ferroviaire, Louis Armand, alors Président de la SNCF, avait plusieurs fois déclaré : « Le chemin de fer sera le moyen de transport du xxıe siècle. S’il survit… »
Nous pensons qu’il fera mieux que survivre et qu’il saura s’adapter au monde d’après, et que la SNCF restera un partenaire incontournable de cette évolution !
Joël Forthoffer
N°304 (mars 2021)
Métropolisation et déplacements au quotidien
Comparée aux agglomérations de nos voisins européens, aucune grande ville française, hormis Paris, ne dispose d’un équivalent de RER adapté à la taille de son territoire. Le train ne joue souvent qu’un rôle marginal dans les déplacements au-delà des centres urbains. En Allemagne, par exemple, la S-Bahn (Stadtschnellbahn) peut être comparée sous certaines formes au RER français. Certaines lignes sont anciennes, comme à Berlin (1924) ou à Hambourg (1934), mais la majorité des lignes ont été créées après les années 1980. Si la plupart fonctionnent en tant qu’entité propre au sein de l’exploitation ferroviaire, insérées dans les politiques locales de transports publics, avec leur tarification commune, dès les années 1990, elles prennent leur essor avec la régionalisation.
En Europe, au milieu des années 1980, l’attractivité économique des villes a contribué au développement d’une nouvelle forme de recomposition territoriale fondée sur la métropolisation. Ce phénomène qui touche l’ensemble des grandes aires urbaines s’observe également en France où près des trois quarts de la population vit « sous l’influence de la ville ». Mais, si les centres urbains disposent, pour la plupart, d’une offre de transport en commun maillée, le rythme de la croissance et le cout de l’immobilier ont conduit une partie de ces populations à se loger loin des bassins d’emplois, de leur attractivité et des réseaux de transport qui n’ont pas suivi ce mouvement.
En France, l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) a récemment estimé que, [...]
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N°303 (décembre 2020)
Transports ferroviaires, une troisième voie est-elle possible ?
La crise du Covid-19, malgré les drames qu’elle cause, offre une opportunité inattendue pour engager une transition écologique et commencer à changer l’économie « conventionnelle ». Parmi les alternatives concrètes et reproductibles, celles de l’économie sociale et solidaire (ESS) offrent des perspectives. Ce mouvement rassemble une multitude d’acteurs : des associations, des mutuelles de santé, en passant par des fondations, des coopératives, mais aussi certaines entreprises commerciales qui concilient utilité sociale et efficacité économique dans de nombreux secteurs d’activités. Ces structures ont un point commun : elles placent l’humain au cœur de leur projet et leur objectif final n’est pas de réaliser des profits pour des actionnaires, mais d’utiliser les gains pour se développer.
L’économie sociale et solidaire, serait-elle aussi une solution pour le transport ferroviaire ?
Peu après la fin du confinement, alors que des entreprises de transport ferroviaire renoncent à passer des commandes de matériels, qu’elles ne réservent pas les sillons et reportent leurs actions visant à concurrencer la SNCF sur le transport voyageurs longues distances au prochain changement de service 2020-2021, la presse se fait l’écho d’une initiative novatrice qui crée la surprise. Railcoop, entreprise ferroviaire française constituée en coopérative et inconnue jusqu’ici, annonce (le 9 juin dernier) à l’Autorité de régulation des transports (ART) sa volonté de refaire circuler des trains directs de voyageurs entre Bordeaux et Lyon.
Railcoop, lancée en 2019 sous le statut de société coopérative d’intérêt collectif (SCIC), répond aux principes des coopératives qui exercent leurs actions dans toutes les branches de l’activité humaine et respectent un certain nombre de grands principes. Ainsi, l’[...]
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N°302 (septembre 2020)
2020, la pandémie et le transport ferroviaire
L’idée d’utiliser des trains pour le transport de patients est née après les attentats de 2015. Des essais avec des TGV médicalisés avaient rapidement suivi. En s’appuyant sur cette expérience, en 2020, un premier TGV duplex sanitaire, composé de deux rames, a pu circuler dès le jeudi 26 mars depuis Strasbourg pour desservir Angers et Nantes. La première rame ne transporte pas de malades, mais des agents de la SNCF : conducteurs de réserve, agents du matériel, un chef de bord et quelques agents de la Surveillance générale. Cette rame permet d’assurer la sécurité de la seconde qui transporte un maximum de vingt-quatre malades en réanimation et une cinquantaine de soignants et de logisticiens. Le bas de la rame sert de salle médicalisée (à raison de quatre patients par voiture, accompagnés à chaque fois d’un médecin anesthésiste-réanimateur). La circulation des soignants, d’une voiture à l’autre, se fait par la salle haute. Au total, cette organisation nécessite la collaboration et la coordination de près de deux-cents personnes depuis l’embarquement jusqu’au débarquement !</p>
Cette solution logistique a été privilégiée pour deux raisons [...]
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N°301 (juin 2020)
2020, la transformation du système ferroviaire en France
D’une part, des dizaines d’applications de transport, de restauration, d’hébergement et de loisirs se côtoient sur nos téléphones cellulaires, nos tablettes connectées. Toutes ces offres de service que sont les abonnements, paiements numériques ou courriels modifient nos rapports aux déplacements et créent de nouveaux espaces. D’autre part, la Loi d’orientation des mobilités (LOM) promulguée le 24 décembre 2019 doit réformer les politiques de déplacements et accélérer la croissance des nouvelles mobilités en intégrant les enjeux environnementaux. Mais cette convergence de surface n’est qu’un aspect des changements en cours dans le domaine des transports.
La transformation est économique ! Tout en maintenant sa structure d’entités verticalement intégrées, la Loi pour un nouveau pacte ferroviaire (loi n° 2018-515 du 27 juin 2015) vise [...]
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